mercredi 16 janvier 2008

Elle était devenue si légère.

Elle était devenue si légère.
Je crois que l'expression exacte serait "un poids plume". Elle était devenue légère parce que la maladie et l'age l'avaient privée de ses souvenirs et que son corps qui ne réagissait plus comme avant.
Elle était devenue si légère de mots aussi.
Il n'y avait que ses mains qui s'exprimaient, ainsi que ses yeux et son sourire.
Que voulait elle nous dire ces mains maigres et courbées quand nous les prenions dans les nôtres ? Quand nous les sentions se détendre sous la caresse ?
Parfois elle n'avait plus l'esprit de nous dire au revoir. On sentait comme un grand vide en elle, un vide où nous tentions d'exister malgré tout.
Je me souviens, c'est au moment où tout commençait à être de plus en plus dur que nous avons commencé à rouvrir les albums photos. Je me suis dit que j'aurais pu noter ce qu'elle disait. Aujourd'hui je comprends que le plus précieux étaient ces moments passés avec elle, qu'il n'y avait d'irremplaçable que ces calmes milieux d'après midi dans le salon, vers la fenêtre.
Elle me posait si peu de questions ces derniers temps que je m'étais mis à faire les questions et les réponses tandis qu'il y a encore 6 mois, elle m'avait interrogé sur des objets, sur des villes, des personnages. Je ne sais pas si c'était pour elle un moyen de reprendre le dessus ou un réflexe de professeur.

Elle était devenue si légère.
J'aurais presque pu la porter d'une seule main. Je l'aidais à se remettre sur le fauteuil, à s'installer confortablement. J'avais peur de la briser. J'avais peur de la contrarier. Il m'a fallu du temps pour me contenter de poser mes mains sur les siennes, de la regarder. Il m'a fallu du temps aussi pour ne plus venir que pour les médicaments, l'argent ou un robinet qui fuit parce que la panique et la peur me prenaient à chaque fois.

Elle était devenue si légère.
J'aime cette idée de légèreté pourtant. Je pense que cela nous permet de penser à l'essentiel, aux petite choses si importantes que l'on garde avec nous, à tout ce qu'il y a de délicat dans l'être humain, de sensible. Aux choses qui échappent à la pesanteur du temps. Elle était devenue si légère qu'elle est partie sans esclandre, en murmurant, avec l'assurance tranquille des mots que l'on se dit à l'oreille.

3 commentaires:

thomas journot a dit…

rien à dire...

Anonyme a dit…

magnifique et tellement vrai

annie a dit…

merci Nicolas ,je la vois toujours ainsi et toujours souriante malgré ses faiblesses, si présente dans nos coeurs...